En fait, quand on dirige une entreprise, il y a un mot qui disparaît étrangement du vocabulaire : l’amour. On parle performance, stratégie, leadership… mais ce besoin fondamental d’aimer et d’être aimé, on n’ose même plus le nommer.
Ce qui est fascinant, c’est de voir comment certains grands patrons transforment leur bureau en forteresse imprenable, sauf pour l’amour. Un PDG m’a dit récemment : « Tu sais ce qui manque dans ma vie ? Pas l’argent, pas le pouvoir. Ce qui me manque, c’est quelqu’un qui m’aime pour mes défauts, pas pour mes réussites. »
Je pense à cette femme dirigeante qui gérait des centaines de personnes. Dans son bureau, personne n’aurait osé la contredire. Mais à la maison, elle n’arrivait plus à dire « je t’aime » sans avoir l’impression de montrer une faiblesse. Comme si le pouvoir avait doucement érodé sa capacité à être vulnérable.
Vous savez ce qui est étrange ? Plus on monte dans la hiérarchie, plus on apprend à se protéger. Des risques, des concurrents, des trahisons possibles. Et sans s’en rendre compte, on se protège aussi de l’amour. Parce que l’amour, le vrai, demande de baisser les armes.
L’autre jour, un grand patron est venu me voir parce qu’il n’arrivait plus à dormir. On a parlé stratégie, stress, organisation. Puis au détour d’une phrase, il m’a dit : « Mon fils de 5 ans m’a demandé si je savais encore faire des câlins. » Cette simple question l’a plus secoué que toutes les crises qu’il avait gérées.
En fait, c’est presque ironique. Ces personnes capables de sentir instantanément les mouvements du marché ont souvent perdu la capacité de sentir les mouvements de leur propre cœur. Comme si le pouvoir créait une sorte d’anesthésie émotionnelle.
Une dirigeante me racontait qu’elle avait fait installer un système de sécurité dernier cri chez elle. « Pour me protéger », elle disait. Un jour, son mari lui a fait remarquer qu’elle avait aussi verrouillé son cœur avec le même soin. Cette phrase a ouvert quelque chose en elle.
Il y a ce moment en séance où parfois quelqu’un ose enfin le dire : « J’ai peur de ne plus savoir aimer normalement. » Non pas aimer comme on aime un beau projet ou une belle performance. Aimer simplement, maladroitement, humainement.
C’est touchant de voir comment l’amour trouve toujours son chemin, même dans les vies les plus blindées. Une simple photo d’enfant sur un bureau high-tech. Un vieux mot doux gardé dans un agenda rempli de chiffres. Ces petites preuves que derrière le dirigeant, il y a toujours un cœur qui bat.
Je me souviens de cet homme qui avait bâti un empire. Il me parlait de ses succès avec une précision chirurgicale. Puis son téléphone a sonné – c’était sa femme. Et là, pendant quelques secondes, j’ai vu son visage s’adoucir complètement. Comme si le masque du pouvoir craquait pour laisser passer un peu d’amour.
En fait, peut-être que la vraie réussite, ce n’est pas de savoir gérer le pouvoir. C’est de savoir garder sa capacité à aimer. À aimer sans calcul, sans stratégie, sans retour sur investissement. Juste aimer, comme on respirait quand on était enfant.